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nicolas gauthier - Page 5

  • Ce néo-racisme qui vient...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque la question de ce nouvel antiracisme qui n'est qu'un néo-racisme. Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et Contre le libéralisme (Rocher, 2019).

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    Alain de Benoist : « L’actuel antiracisme n’est pas le contraire du racisme, mais un racisme en sens contraire. »

    Dynamisé par le retentissement de l’affaire aux États-Unis, le combat mené par Assa Traoré contre les « violences policières » vous paraît-il être un mouvement de masse ou seulement résulter d’un effet de mode et d’une agitation marginale dont l’ampleur serait surestimée par nos médias ?

    L’affaire George Floyd est un fait divers auquel le système médiatique, acquis à l’idéologie dominante, a donné une résonance planétaire. La mort d’, autre fait divers, n’a rien à voir avec cette affaire, sinon la couleur de peau de deux délinquants multirécidivistes morts des suites de leur interpellation. Son retentissement doit, en revanche, tout à l’habileté du comité mis en place pour défendre sa « mémoire », qui a su instrumentaliser à son profit les délires du politiquement correct et les retombées non moins délirantes du mouvement Black Lives Matter, tout en faisant son miel de l’influence grandissante de l’idéologie indigéniste.

    L’amalgame entre les deux affaires met aussi en lumière l’américanisation des modes de pensée des proches d’Assa Traoré, qui se prend elle-même pour une nouvelle Angela Davis. Vous le savez, toutes les modes américaines, qu’il s’agisse de la Gay Pride, de la théorie du genre ou de l’« intersectionnalité » des luttes, ont fini par s’imposer en Europe. Or, le contexte est radicalement différent. Les États-Unis sont depuis leurs origines confrontés à une question raciale qu’ils n’ont jamais su résoudre. Rappelons-nous qu’en 1945, c’est une Amérique ségrégationniste qui a emporté la victoire sur le racisme hitlérien ! Quant à la violence policière, effectivement courante aux États-Unis, elle est sans commune mesure avec ce que l’on peut voir en France. J’ajoute que chez nous, quand il y a brutalités policières, elles s’exercent sans complexe sur les « Gaulois » (yeux crevés, bras arrachés, blessures de guerre), comme on l’a vu à l’époque des gilets jaunes, beaucoup plus que contre les racailles et les migrants.

    Mais, au fond, qu’est-ce que cette « pensée indigéniste » ?

    L’idéologie indigéniste s’est formée au contact des « études post-coloniales », elles-mêmes héritières des subaltern studies fondées par Ranajit Guha et de la French theory (Derrida, Deleuze, Foucault) qui se sont développées, principalement en Amérique, depuis plus d’une vingtaine d’années. Il est difficile d’y comprendre quelque chose si l’on ne s’est pas familiarisé avec l’œuvre de ses principaux théoriciens (Eduard W. Saïd, Gayatri C. Spivak, Achille Mbembe, Paul Gilroy, etc.). La pensée post-coloniale comprend deux aspects. D’une part une critique radicale, et à mon sens très justifiée, de l’universalisme abstrait de la raison occidentale qui, lorsqu’on l’étudie en profondeur, se dévoile comme un ethnocentrisme masqué (les « valeurs universelles », comme l’idéologie des droits de l’homme, n’ont d’universel que le nom). Et, d’autre part, le postulat, beaucoup plus contestable, selon lequel les anciennes nations colonisatrices n’ont jamais pu, par une sorte de fatalité quasi génétique, abandonner le regard « discriminant » qu’elles posaient naguère sur les indigènes des colonies. D’où le nom des Indigènes de la République (Houria Bouteldja), un nom d’autant plus grotesque que, si l’on s’en tient au sens des mots, les véritables indigènes de notre pays, les véritables autochtones, sont aussi ceux qui l’habitent depuis le plus longtemps.

    À partir de là, une nouvelle vague délirante s’est mise en place, qui n’a cessé d’enfler. On a très vite compris que le slogan « Les vies noires comptent » ne signifie pas qu’elles comptent aussi, mais que les vies des autres ne comptent pas ou comptent beaucoup moins. Concrètement, cela s’est traduit, et se traduit toujours, par une surenchère de revendications, de mises en accusation, de procès d’intention, d’exigences toujours plus extravagantes qui, sur la base des pulsions collectives pilotées par les lobbies, de la victimisation lacrymale et du droit d’avoir des droits, vise à « déblanchir » l’Europe, à dénoncer l’homme blanc comme coupable de toute la négativité sociale, voire comme incapable de dénoncer le racisme puisqu’un Blanc est nécessairement raciste, même quand il s’affirme bruyamment antiraciste (c’est dans ses gènes). L’essor de la cancel culture et l’hystérie des déboulonneurs de statues, peu différents à mes yeux des profanateurs de sépultures, entrent dans ce cadre. Pour le dire plus crûment, la chasse aux Blancs est désormais ouverte.

    Que deviennent, dans tout cela, les catégories de racisme et d’antiracisme ?

    Tout a changé. Il y a trente ans, la lutte contre le racisme consistait à lui opposer un universalisme très classique, qui en France s’affirmait « républicain ». L’Europe était perçue comme la « terre des droits de l’homme ». Les différences raciales étaient considérées comme de peu d’importance, l’idée sous-jacente étant qu’en réalité, « nous sommes tous les mêmes ». Il était alors de bon ton de proclamer l’indifférence à la différence. En supprimant les discriminations fondées sur les « préjugés » et les « stéréotypes », on allait créer des sociétés multiraciales harmonieuses et tous les problèmes disparaîtraient. Le jacobinisme français voulait, en outre, assimiler des individus mais ne reconnaissait pas l’existence des communautés. Les races, en somme, n’étaient que des illusions d’optique. Cette façon de voir n’a pas disparu, puisque l’on continue d’opposer les « valeurs universelles de la République » aux diverses formes de « communautarisme », mais elle a aujourd’hui perdu toute crédibilité. L’existence des communautés crève les yeux au moment même où – suprême ironie – on a officiellement décrété que « les races n’existent pas ».

    Le mouvement indigéniste se situe dans une tout autre perspective. C’est un mouvement identitaire qui fait reposer l’identité sur la race – ce qui est la façon la plus pauvre de définir l’identité. Voyant (non sans raison) dans l’universalisme une mystification, il revendique de façon convulsive des appartenances ethniques que l’on avait cru pouvoir enterrer sous des discours lénifiants. C’est pourquoi les Indigènes de la République contestent la légitimité des associations antiracistes traditionnelles et récusent radicalement le modèle républicain. Pour paraphraser Joseph de Maistre, on pourrait dire que cet antiracisme n’est pas le contraire du racisme mais un racisme en sens contraire. Un racisme affiché sans états d’âme qui a au moins le mérite, en luttant à fronts renversés, de clarifier les choses. Les races ont beau « ne pas exister », la racialisation des rapports sociaux est partout. Résultat : aujourd’hui, entre les réunions « interdites aux cisgenres » et les conférences réservées aux « racisés », on compte les Noirs pour dire qu’il n’y en a pas assez, comme sous le IIIe Reich on comptait les Juifs pour dire qu’il y en avait trop. C’est, assurément, une subversion de la société, mais pas une subversion du système dominant. La façon dont les grandes entreprises plient le genou devant les exigences de ce néo-racisme montre que le capitalisme n’y voit, en fin de compte, qu’une nouvelle source de profits.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 12 août 2020)

     
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  • Face aux grands ensembles civilisationnels, une Europe politiquement unifiée est nécessaire...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque la question de la souveraineté. Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et Contre le libéralisme (Rocher, 2019).

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    Alain de Benoist : « À terme, une Europe politiquement unifiée est parfaitement possible et surtout nécessaire »

     
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    Le souverainisme semble revenir à la mode. De plus en plus de personnalités, mais aussi d’intellectuels, s’en réclament désormais. Doit-on vous compter parmi eux ?

    J’ai beaucoup d’amis souverainistes, dont je partage souvent les diagnostics. Je n’ai pas de mal, non plus, à penser, comme Michel Onfray, que « le contraire du souverainisme, c’est la vassalité, la soumission, la dépendance, l’assujettissement, la tutelle », bref, la servitude. Mais personnellement, je ne me définirais pas comme souverainiste, car il n’est que trop visible que le terme est équivoque et qu’il peut renvoyer à des choses très différentes. La seule chose certaine est que le souverainisme est rigoureusement incompatible avec le libéralisme, qui refuse toute forme de souveraineté politique au motif qu’elle constitue une menace pour la liberté individuelle.

    Rappelons aussi que la souveraineté et l’identité ne vont pas nécessairement de pair. Une nation ayant perdu son identité peut très bien être souveraine, un pays doté d’une identité forte peut ne pas l’être du tout. Il est évidemment souhaitable que l’une et l’autre aillent de pair (la souveraineté garantissant alors le maintien de l’identité), mais cela n’a rien d’automatique. Il faut savoir, en outre, ce que l’on entend par souveraineté : l’autonomie ou l’indépendance ? Ces deux mots ne sont pas synonymes, d’autant que le désir de souveraineté se heurte nécessairement à des contraintes naturelles. Des pays comme la France, l’Allemagne ou l’Italie peuvent se donner les moyens de la souveraineté, mais le mot n’a pas le même sens pour l’Islande, la Finlande ou la principauté du Liechtenstein. Enfin, dans un monde de plus en plus interdépendant, l’autosuffisance ne peut se concevoir qu’à l’échelle continentale.

    La souveraineté se décline dans tous les domaines : souveraineté politique, qui est affaire de volonté, souveraineté militaire, qui implique que l’on quitte l’OTAN, souveraineté économique et énergétique, etc.

    On peut, bien sûr, décliner le terme à l’infini, mais il reste que la notion même de souveraineté est une notion politique. S’il n’y a pas de souveraineté politique, la souveraineté n’existe pas. Le problème est que la démocratie politique renvoie à deux choses complémentaires, mais différentes : la souveraineté nationale et la souveraineté populaire. Ceux qui s’affirment, aujourd’hui, souverainistes n’ont souvent en tête que la première. Pour reprendre une distinction introduite par Régis Debray, ils sont « républicains » plus que « démocrates » – ce qui n’est pas mon cas. Il faudrait, ici, situer le souverainisme par rapport à trois familles différentes : les identitaires, les « républicains » et les populistes. Le fait est que la souveraineté populaire est le principe de base de la démocratie, tandis que la souveraineté nationale peut très bien coexister avec une dictature. Les deux choses sont donc bien différentes. Pour moi, souveraineté politique et souveraineté populaire n’ont de sens que si les deux vont de pair.

    Pour compliquer les choses, les souverainistes se réfèrent en général, de manière implicite, à la souveraineté telle qu’elle a été définie au XVIe siècle par Jean Bodin (Les Six Livres de la République) : comme une puissance perpétuelle, indivisible et absolue, théorie qui a servi de fondement à la monarchie absolue et de principe fondateur au jacobinisme de l’État-nation. Mais cette façon de concevoir la souveraineté politique n’est pas la seule possible. Johannes Althusius (Politica methodice digesta, 1603), pour ne citer que lui, en tenait au contraire, non pour une souveraineté omnicompétente, mais pour une souveraineté répartie, faisant une large place au principe de subsidiarité (ou principe de compétence suffisante), à l’autonomie de la base et à la liberté des groupes. On est là dans une optique très différente, qui nous rappelle que l’Europe a connu, dans son histoire, deux grandes formes politiques elles aussi bien distinctes : l’État-nation dans sa partie occidentale (France, , ), l’empire dans sa partie centrale (Allemagne, Autriche-Hongrie, Italie).

    L’idée de souveraineté européenne paraît, aujourd’hui, chimérique : en cas de crise, les États ne s’en remettent qu’à eux-mêmes, comme on l’a vu avec la crise sanitaire. Une souveraineté européenne est-elle pour autant inatteignable ?

    Les souverainistes affirment souvent que la nation est le seul cadre dans lequel la souveraineté soit envisageable. Au fond, ils pensent, comme Maurras, que la nation est « le plus vaste des cercles communautaires qui soient, au temporel, solides et complets » et que la souveraineté politique ne peut s’exercer qu’à cette échelle. Ils ajoutent, en général, qu’une Europe politique est impossible car il n’y a pas de peuple européen, oubliant qu’il n’y avait pas, non plus, de peuple français quand l’État français a commencé d’exister (et qu’en 1789, la majorité des Français ne parlaient pas le français). Je ne partage pas cet avis. Je pense qu’à terme, une Europe politiquement unifiée est parfaitement possible, et qu’elle est surtout nécessaire. Je comprends très bien que, dans la situation actuelle, on se replie sur les souverainetés nationales (ou ce qu’il en reste), mais je suis convaincu qu’il ne peut s’agir que d’un pis-aller. Dans un monde multipolaire, l’avenir est aux grands ensembles civilisationnels et continentaux. L’« Europe des nations » est une formule sympathique, mais elle est synonyme d’Europe impuissante, puisque les gouvernements sont incapables de s’accorder sur des politiques communes. Dans l’immédiat, c’est l’Union européenne, véritable anti-Europe, qui doit disparaître – car elle n’est pas (ou plus) réformable –, puisqu’elle a voulu faire de l’Europe un marché alors que celle-ci doit devenir une puissance autonome, en même temps qu’un creuset de culture et de civilisation.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 4 août 2020)

     

     
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  • La situation politique et les perspectives pour 2022 vues par Alain de Benoist...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque la situation politique et les perspectives pour 2022. Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et Contre le libéralisme (Rocher, 2019).

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    Alain de Benoist : « Macron conserverait quelques chances de l’emporter, mais Marine Le Pen aurait de bien meilleures chances de gagner »

    Au cours de ces dernières semaines, nous avons assisté au second tour des élections municipales, puis à la mise en place d’un nouveau gouvernement. Peut-on dire qu’il en résulte un nouveau paysage politique ? Les forces en présence se sont-elles modifiées ?

    Sur les élections municipales, on a déjà tout dit. Les deux faits marquants sont l’abstention record (60 %), qui s’explique avant tout par le fait que la France périphérique n’a pas voté, et la poussée de ce qu’on a appelé la « vague verte », qui a permis à des représentants de EELV de s’emparer d’un certain nombre de grandes villes. Cette « vague » ne doit être ni surestimée ni sous-estimée. Sa cause fondamentale, au-delà de la vague sympathie que suscite le référent écolo dans tous les milieux, est la gentrification croissante des grandes villes. La droite a, bien entendu, réagi en recourant à des métaphores ringardes comme celle de la pastèque (verte à l’extérieur, rouge à l’intérieur) et en s’affolant de l’arrivée des « Khmers verts » dans les mairies. Elle est, il est vrai, totalement analphabète en matière d’écologie. Désolé, Yannick Jadot n’est pas Pol Pot ! Les Verts sont des libéraux-libertaires, grands défenseurs des migrants, qui sont beaucoup plus intéressés par la théorie du genre que par une écologie qu’ils ne conçoivent que d’une façon punitive et superficielle. De même que l’ a discrédité l’Europe, les Verts discréditent l’écologie. Ce sont les vrais partisans de l’écologie qui devraient le plus dénoncer leur imposture.

    Il n’y a pas, non plus, grand-chose à dire sur le nouveau gouvernement, qui confirme seulement la volonté d’ de débaucher de plus en plus le centre droit afin de laminer les Républicains. Macron a compris qu’il n’a plus grand-chose à grappiller à gauche. La nomination de Dupond-Moretti, le King Kong des prétoires, a suscité une levée de boucliers chez les magistrats. Celle de , préféré à Blanquer au ministère de l’Intérieur, a provoqué l’hystérie des néo-féministes (« un violeur place Beauvau ! »). L’arrivée de la Castafiore à la Culture n’a satisfait que les amateurs d’opéra. L’entrée de à Matignon a d’abord paru consacrer un Mr. Nobody qui allait permettre au chef de l’État de gouverner de façon plus « jupitérienne » et solitaire que jamais. Son image d’« énarque rural » ne doit toutefois pas faire illusion. Apparaître comme débonnaire n’empêche pas d’avoir de la poigne. Castex a d’ailleurs déjà eu la peau de Marc Guillaume, secrétaire général du gouvernement.

    À la faveur de l’épidémie de Covid-19, Emmanuel Macron semble en être revenu à certains fondamentaux plus « régaliens ». Simple tactique ou changement plus en profondeur ?

    On ne juge pas les politiciens sur ce qu’ils disent, mais sur ce qu’ils font. Il est fort possible qu’au moment du confinement, Macron ait commencé à réaliser que la dépendance de la France lui est préjudiciable, mais je pense qu’il est incapable de résister à son tropisme d’origine. C’est un libéral autoritaire, un manipulateur narcissique, pour qui la politique se résume à une affaire de dossiers. Je suis convaincu que, loin de se « remettre en question », il cherche seulement un « autre chemin » de parvenir au même but : réformer la France pour l’adapter aux exigences de la mondialisation, c’est-à-dire des marchés financiers. Ce sera seulement beaucoup plus difficile qu’avant, car dans une Europe en récession, la France se retrouve dans une position pire que presque tous ses voisins.

    Quelles leçons en tirer dans la perspective de l’élection présidentielle de  ?

    Le fait principal est le suivant : en 2022, les Français vont subir de plein fouet des conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire qui vont s’avérer cataclysmiques. On n’en a pas encore pris la pleine mesure parce que les pouvoirs publics distribuent des milliards d’aides et de subventions afin de retarder les échéances, ce qui va rendre la dette publique intenable. En fait, la précarité va se généraliser, le pouvoir d’achat va s’effondrer, les faillites et les dépôts de bilans vont se multiplier (et pas seulement dans les secteurs sinistrés), le nombre des chômeurs va bondir, le tout sur fond de montée des radicalisations et d’ensauvagement de la société.

    , comme le dit le politologue Jérôme Sainte-Marie, le choix des électeurs n’a jamais été autant corrélé à leur condition sociale qu’aujourd’hui : « Plus on dispose d’un revenu élevé, plus on adhère au macronisme. » Dans ce contexte de lutte des classes, qui va de pair avec l’ébranlement du clivage droite-gauche (qui en est à la fois la cause et la conséquence), de nouvelles couches des classes moyennes en voie de déclassement, des indépendants, des cadres moyens appauvris ou ruinés vont venir massivement grossir les rangs du bloc populaire.

    Paradoxalement, et Macron ont, aujourd’hui, le même objectif : se retrouver tous les deux face à face au second tour de la présidentielle, comme ce fut le cas en 2017. La différence étant que la première n’aura pas, cette fois, à affronter un « homme nouveau », bénéficiant d’un préjugé a priori favorable, mais un personnage discrédité, au bilan lamentable et qui, durant son quinquennat, n’aura cessé de décevoir des couches de plus en plus larges de la population. Mélenchon, de son côté, ne sera pas un concurrent pour elle, puisqu’il a tourné le dos au populisme pour céder aux sirènes de l’islamo-gauchisme, ce qui l’a disqualifié auprès des catégories populaires. Macron, de son côté, redoute plus que tout de ne pas être au second tour, ce qui explique sa stratégie actuelle visant à faire disparaître tout ce qui existe entre le RN et LREM, à commencer par les Républicains.

    Dans le cas d’un nouveau duel Macron-Le Pen, Macron conserverait quelques chances de l’emporter, mais Marine Le Pen aurait de bien meilleures chances de gagner, car elle devrait pouvoir bénéficier d’une vague populaire beaucoup plus forte qu’il y a deux ans. Si, en revanche, elle avait devant elle un ou plutôt une candidate représentant un conglomérat de Verts associés aux derniers débris d’une gauche en déroute, qui ferait au second tour le plein contre elle, sa tâche serait beaucoup plus difficile. La prochaine « cheffe » de l’État pourrait alors bien s’appeler Anne Hidalgo.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 2 août 2020)

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  • Sur la déchristianisation de la France...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque la question de la déchristianisation de la France. Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et Contre le libéralisme (Rocher, 2019).

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    Alain de Benoist : « Déchristianisation de la France aidant, le risque du catholicisme est de devenir une religion de classe ! »

    Qu’on la considère ou non comme la « fille aînée de l’Église », la France a vu son histoire étroitement liée au catholicisme. Certains s’inquiètent aujourd’hui de sa « déchristianisation ». Il est vrai qu’à l’époque du curé d’Ars, d’autres voyaient encore dans notre pays une « terre de mission ». Le fait est, en tout cas, qu’aujourd’hui, les églises se vident et que les vocations se raréfient à un rythme encore jamais vu. Comment l’expliquer ?

    Il y a quelques jours, vous citiez vous-même cette phrase de Bernanos : « On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l’on n’admet pas tout d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure. » C’est déjà une partie de la réponse. La modernité est inhospitalière à la transcendance, fût-elle immanente. Elle a consacré la montée d’un individualisme, dont les racines sont à rechercher du côté du nominalisme médiéval et du cartésianisme, qui tend à décourager les affiliations et les projets collectifs. L’anthropologie libérale fait de l’homme un être isolé, légitimé à toujours poursuivre son meilleur intérêt, c’est-à-dire un être égoïste. Sous l’influence de l’idéologie dominante, notre époque favorise le relativisme, l’hédonisme et le matérialisme pratique. Les gens s’habituent à l’idée qu’il n’y a rien au-delà d’eux-mêmes, que rien n’est pire que la mort, que rien ne vaut qu’on sacrifie sa vie pour une foi, une idée ou une conviction. Les Églises en pâtissent, et elles ne sont pas les seules.

    Beaucoup de catholiques traditionalistes pensent que les choses ont commencé à se dégrader avec le concile Vatican II. Je pense qu’ils ont tort. Vatican II n’a pas été une cause mais une conséquence, parmi d’autres, d’une vaste transformation qui est à rechercher bien en amont. La cause la plus profonde de la « déchristianisation » est, à mon sens, la disparition du monde rural dans lequel, pendant des siècles, une religiosité populaire, souvent empreinte d’un paganisme résiduel, avait rythmé de façon massive la vie des hommes et l’alternance des saisons, constituant ainsi le socle de la vie et de la pratique chrétiennes. Cette mutation silencieuse a été rapide. Entamée avec la révolution industrielle, qui a provoqué le premier exode rural, elle s’est accélérée depuis la Seconde Guerre mondiale avec la généralisation du salariat (qui a supprimé le métier au profit de l’emploi). Devenus des « agriculteurs », puis des « producteurs agricoles », les paysans représentent, aujourd’hui, à peine plus de 3 % de la population active alors qu’ils étaient encore dix millions d’actifs en 1945. Les traditions populaires ont disparu du même coup, à commencer par les dévotions et les rites religieux. La majorité de la population vit désormais dans les villes, et les communes ne sont plus des paroisses.

    Monseigneur Lustiger faisait remarquer en son temps que si l’assiduité à la messe n’est plus, aujourd’hui, un marqueur social, elle est en revanche, désormais, le signe d’une adhésion pleine et entière. Les pèlerinages continuent, d’ailleurs, à faire recette et la Manif pour tous a montré que le cadavre bouge encore. Chant du cygne ou possible renaissance ?

    Un passage bien connu de la Bible (Ez 6, 8) évoque le « petit reste » (sheêrit) qui survit à toutes les difficultés. Plus les catholiques sont minoritaires, plus ils sont actifs, et comme ils cultivent beaucoup l’entre-soi, ils ont l’impression d’être encore nombreux. Mais il ne faut pas se faire trop d’illusions. Le fait dominant reste ce que Marcel Gauchet a appelé la « sortie de la religion ». Cela ne veut nullement dire qu’il n’y a plus de croyants, ni même qu’il y en aura de moins en moins, mais que les valeurs dont l’Église était porteuse n’organisent plus de manière normative la société. Après avoir abandonné le césaro-papisme, l’Église a pris soin de distinguer le temporel et le spirituel, tout en continuant de subordonner le premier au second. Cette distinction s’est transformée en séparation et a abouti à ce qu’on appelle aujourd’hui la laïcité. La foi s’est ainsi trouvée privatisée et n’a plus, du même coup, que le statut d’une opinion parmi d’autres. Certains chrétiens se félicitent que leur religion ne se confonde plus avec le pouvoir. Je pense au contraire que la privatisation de la foi lui est fatale.

    Le christianisme a longtemps accompagné l’histoire de l’Europe, conjoncture dans laquelle il a pu jouer un rôle de marqueur identitaire. Il ne peut plus le faire aujourd’hui, d’autant que la grande majorité des croyants vivent en dehors de l’Europe. Objectivement, le centre de gravité de la chrétienté se situe désormais dans le tiers-monde. Cela ne pose pas de problèmes du point de vue doctrinal en raison de l’universalisme chrétien (le « peuple de Dieu » ne connaît pas de frontières), mais cela peut en poser sur d’autres plans.

    Pour autant, lorsqu’on analyse le « vote catholique » lors des élections européennes de 2019, on constate que celui-ci s’est massivement porté sur la liste du parti d’Emmanuel Macron, l’homme de la GPA. Les catholiques français ont-ils encore à apprendre en matière politique ?

    Ils ont certainement toujours à apprendre, mais ils ne sont pas seuls dans ce cas. En l’espèce, je pense plutôt qu’ils ont cédé à un irrésistible tropisme qui les pousse à se solidariser d’un monde bourgeois qui, quoi qu’il en ait, préférera toujours ses intérêts à ses convictions. Ils paient en quelque sorte le prix de la « gentrification » du catholicisme français, sujet auquel l’excellente revue catholique La Nef a consacré un substantiel dossier en février dernier, en se référant notamment aux travaux de Yann Raison du Cleuziou.

    Avec la fin du monde rural, le catholicisme français, qu’il soit traditionnel, libéral ou progressiste, a perdu, en se repliant sur les villes, le contact avec les couches populaires (d’autant que c’est de l’État-providence que celles-ci attendent désormais qu’on leur fasse la « charité »). En 1929, le pape Pie XI disait : « Le plus grand scandale du XIXe siècle, c’est que l’Église a perdu la classe ouvrière. » Le « catholicisme social », l’Action catholique, la JOC et la JEC, les « prêtres-ouvriers », tout cela est derrière nous, et même les patronages ont presque tous disparu. Là où la France rurale fournissait des bataillons de prêtres et de religieux, c’est des milieux de la bourgeoisie que proviennent l’essentiel de ce qui reste des vocations sacerdotales, et c’est aussi ce qui explique la sociologie très homogène de la Manif pour tous. L’endogamie y est la règle et c’est à Versailles que l’on enregistre le plus fort taux de pratique de toute la France. Le plus grand risque, de ce point de vue, serait pour le catholicisme de devenir une religion de classe.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 7 juin 2020)

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  • Delon, Belmondo, une épopée française...

    Le magazine Valeurs actuelles publie un numéro hors-série intitulé  Delon, Belmondo, épopée française. Un superbe numéro d'été sur le parcours et les films des deux géants du cinéma français, avec des articles d'Arnaud Folch, de Nicolas Gauthier et de Bruno Larebière.

     

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    " Plus d’un siècle de carrières cumulées, près de deux cents films, 300 millions de spectateurs… C’est à nos deux derniers “monstres sacrés” du cinéma qu’est consacré notre hors-série d’été. L’occasion de revisiter côté coulisses leur extraordinaire filmographie, de se replonger dans l’histoire glorieuse du 7ème art français, de ses acteurs de légende (Jouvet, Fresnay, Gabin…), mais aussi de cette “certaine idée de la France” incarnée dans la vie et à l’écran par ces deux comédiens ayant débuté dans les années 1950 : culte de l’amitié virile, code d’honneur, amour des femmes… Préface de François d’Orcival. Inclus : “Alain, Jean-Paul et moi…”, par Brigitte Bardot. "

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  • De l'air, de l'air !...

    Une semaine de plus de confinement et on étouffait. Il était temps d’en sortir. Et de sortir. Suivez les rédacteurs d’Éléments, en attendant de les retrouver bientôt sur les plateaux de TVLibertés. David L’Épée face au dilemme des masques, Nicolas Gauthier et un hommage en chanson du professeur Raoult, Christophe A. Maxime et la nostalgie des vieilles émissions et des vieux livres. Le rendez-vous rock de la rédaction d’Éléments…

     

                                          

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